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« La pêche c’est une forme de défi »

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À bord du Komz Me Rèr, un caseyeur dernier cri du port de Lorient, de 3 h à 16 h, le patron et les trois matelots sont au taquet. Tourteaux, araignées, homards et congres : 700 kilos seront pêchés.

3 h 30

C’est parti ! Les trois matelots - Vincent, Mickaël et David - vont piquer un somme dans les couchettes sous la cabine de pilotage, le temps d’arriver au sud de l’île de Groix. Le patron Yann Didelot, 41 ans, est concentré sur son tableau de bord bardé d’écrans et d’électronique marine.

« On avance à une moyenne de 24 nœuds sans la pêche et à 20 nœuds chargé. C’est deux fois plus vite que mon ancien bateau, le Bugal Spontuz que j’ai vendu à un pêcheur de Port-Louis, confie-t-il. J’ai choisi de l’appeler Komz Me Rèr - ça veut dire "Parle à mon cul (...) ; ma tête est malade" en breton - en hommage à ma grand-mère paternelle. Elle me disait ça quand elle devait me répéter dix fois une consigne avant que je ne m’exécute... »

Le patron-pêcheur a investi un million d’euros dans ce bel outil de navigation, configuré sur le modèle d’une vedette de sauvetage, à l’étrave affûtée. « Sur le port, tout le monde me prenait pour un fou, à faire construire ce bateau rapide. Mais les conditions sont meilleures, on part 30 minutes plus tard le matin et on arrête le travail à 16 h au lieu de 18 h. Côté qualité de vie, y’a pas photo… Je le rembourse 7 000 euros par mois sur douze ans, mais je suis confiant. »

4 h 15

Les matelots remontent sur le pont et enfilent leurs waders (genre de cuissardes) en ciré jaune. Le pont est couvert, comme sur la plupart des bateaux de pêche d’aujourd’hui. En cette fin septembre, on ne ressent ni le froid, ni le vent, ni la pluie.

L’un des marins est en poste au treuil pour remonter la première filière (ligne) de casiers, reconnaissable par sa balise spécifique au Komz Me Rèr. Il en remonte 60, remplis de tourteaux pour l’essentiel. À sa gauche, son collègue sort les crabes, quelques araignées et homards. Il rejette à la mer les soustailles.

Pendant ce temps, le patron quitte son poste de pilotage, met la radio à fond et rejoint l’équipage à l’arrière pour trier les crustacés et couper les nerfs à l’échancrure des pinces. Le troisième matelot, lui, prépare les appâts (les "boettes"), et les accroche dans chacun des casiers.

Ces mouvements seront répétés autant de fois que de casiers, soit 60 fois par ligne de casiers ! À raison de 15 filières dans la journée, autant dire que la cadence est soutenue… Pour varier les tâches, les matelots échangent leurs rôles au fil des heures.

4 h 45

Entre chaque filière (série de casiers reliées entre eux par une corde), les matelots font une pause de 5 à 10 minutes. Le temps de laisser repartir la filière de casiers à la mer et d’étiqueter tous les crustacés "Lorient, pêche au casier, bateau Komz Me Rèr. Bretagne Qualité mer".

C’est le moment pour eux d’aller se faire chauffer un café lyophilisé dans la cabine de pilotage ou de boire une canette de jus de fruit, d’avaler une banane ou quelques biscuits. Les langues se délient. « On dort 4 heures par nuit depuis longtemps, alors c’est vrai que notre carburant, c’est le café ! confie David. Moi j’ai commencé la pêche à 16 ans. J’ai fait trois ans d’études au lycée maritime d’Etel ; j’ai travaillé sur plein de bateaux différents. J’aime pêcher au casier ou au filet car ça respecte mieux la ressource. »

Mickaël, lui, a commencé comme pêcheur, est devenu artificier pour ensuite revenir à son premier métier. Vincent, 28 ans, a fait des études de pêcheur pendant trois ans. Il travaille depuis 8 ans. Il a deux jeunes enfants qu’il arrive à aller chercher à l’école avant 17 h. Même si les journées sont longues et très physiques, aucun d’entre eux ne changerait de métier.

8 h 30

Après avoir relevé plusieurs filières, le Komz Me Rèr fait route vers le plateau des Birvideaux, entre Groix et Belle-Île. « Cette année, ça pêche bien proche de la côte. Les années précédentes, nous allions plus au large. »

Tout en pilotant et en tenant son carnet de bord, Yann Didelot se confie sur les raisons qui l’ont poussé à devenir patron. « La pêche, je n’ai connu que ça. Et j’adore. J’aime l’aventure en plein air et en mer ; chaque journée est différente. Mais je ne veux plus partir à la semaine ou à la quinzaine car je veux aussi une vie à côté. Mon grand-père paternel était pêcheur. Son bateau était au Kernével à Larmor-Plage. C’était une pêche plus artisanale et les patrons n’avaient pas autant de tâches administratives que maintenant. Mon père, lui aussi, a été patron, mais d’un bateau armé au Guilvinec.

J’ai arrêté l’école en 6e, puis j’ai passé un CAP mécanicien au lycée maritime. J’ai travaillé sur plusieurs bateaux de pêche et puis, il y a une douze ans, je me suis mis à mon compte après avoir passé mon capacitaire en 2004. Je suis donc pêcheur et chef d’entreprise. Je fais mes papiers le soir et le samedi ; je vois mon comptable deux ou trois fois par mois. C’est sûr que si j’étais resté matelot, j’aurais plus de temps libre. Mais j’aime ça ; c’est une forme de défi. »


E brezhoneg

Donedigezh bagoù nevez e porzh-pesketa an Oriant zo ur sin vat evit ur filierenn hag a oa bet en un enkadenn e penn-kentañ ar blezadoù 2000. Ouzhpenn dek vlez zo ne oa ket bet bagoù nevez. E 2017 e oa bet gwelet teir bag nevez-flamm àr gaeoù porzh-pesketa Kerroman en Oriant : daou chaluter, Zachary ha Le Breizh, hag ur vag-kevella, Komz me Rèr (Komz ma revr). Kinnig a reomp deoc’h lestriñ àr vourzh al lestr-se evit un hir a noziad pesketa, e kompagnunezh Vincent, Mickaël, David hag ar mestr-bag Yann.

 

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