Alors que d’autres ports en France restaient peu actifs, le port de pêche de Lorient a pu maintenir son activité durant la période de confinement. La première semaine a été compliquée. Avec la fermeture des cantines scolaires, des restaurants d’entreprises et des restaurants de ville, le port a perdu près de la moitié de ses débouchés. Mais Keroman a poursuivi son activité : les pêcheurs sont partis en marée, la criée a tourné à bon rythme. « Nous avons réussi à atteindre un certain équilibre en terme de fonctionnement, certes précaire, explique Jean-Paul Solaro, président de la SEM Lorient-Keroman qui gère le site. Nous avons réussi à tourner à environ 60 % de notre activité habituelle. »
Il a fallu bien sûr trouver une organisation sanitaire en mer et à terre, respecter la distanciation sociale, ce qui n’est pas toujours possible à bord. « Mais heureusement, nous avons retrouvé un stock de masques. Nous les avons distribués pour sécuriser les ateliers, la criée, et certains pêcheurs. » Et la Scapêche, la flotte « estampillée » Intermarché, a montré l’exemple : « C'est l’un des rares armements hauturiers qui a décidé de continuer à pêcher. » La coopération et la mobilisation de tous les acteurs de la filière s’est organisée rapidement. « On se retrouvait en audioconférence deux ou trois fois par semaine avec les armateurs, le Comité des pêches, les artisans pêcheurs, les mareyeurs, les poissonniers, le Crédit maritime, la Direction des Affaires maritimes et les grandes et moyennes surfaces… ».
C’est par le dialogue et l’échange que chacun a pu faire valoir ses besoins et ses craintes afin de trouver des solutions qui conviennent à tout le monde. Par ailleurs, le port de Lorient bénéficie de la grande diversité de son offre et de sa proximité avec les acheteurs. « La plupart des grandes surfaces ont joué le jeu en gardant leurs rayons poissonnerie ouverts, et elles nous ont suivi dans la communication pour valoriser le poisson frais. » De même, les bateaux ont accepté des modifications dans l’organisation des ventes, en reportant du poisson de la vente côtière vers la vente des bateaux hauturiers, par exemple.
La pêche côtière à l’honneur
Alors que le fonctionnement habituel des marchés étaient bouleversés et que la pêche hauturière a perdu une grande partie de ses débouchés, c’est la pêche côtière qui a tiré son épingle du jeu. « Tous nos adhérents ont pris la mer, confirme Philippe Lannezval, président du Groupement des pêcheurs artisans de Lorient. La demande est toujours là, et la criée de Lorient attire même certains acheteurs de la Manche. » Les mareyeurs ont acheté du poisson de la criée côtière, et les particuliers, mangeant davantage chez eux avec le confinement, sont revenus vers le poisson frais. Les chalutiers sortent pour des marées courtes, les fileyeurs partent à la journée, et à bord, des mesures ont été prises.
« Tout le monde porte des masques, on travaille avec des gants, il y a du savon et du gel hydroalcoolique à disposition. » À quai, la criée aussi s’est adaptée : port de masque, distanciation entre les acheteurs, désinfection des chariots, lavage des mains systématique… « Nous avons limité les effectifs pour éviter les contacts, confirme Jean-Paul Solaro. » Les pêcheurs ont d’ailleurs constaté un phénomène étonnant cette année, la présence de gros volumes de maquereaux : « On a dû mettre le surplus de maquereau à la vente hauturière ! reprend Jean-Paul Solaro. Et pour soutenir les pêcheurs, d’autres mesures sont déjà à l’oeuvre : du chômage partiel pour les marins et un dispositif européen conçu à l’origine pour le Brexit et qui prévoit d’indemniser de leurs frais fixes les bateaux qui sont à l’arrêt. »
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Où trouver du poisson de Lorient ?
« Tout le poisson frais que vous trouvez sur les étals de l’agglomération vient de Lorient », affirme Dominique Ciaravola, représentant de l’OPAM (Organisation des premiers acheteurs du Morbihan). Car c’est à la criée de Lorient que se fournissent les poissonneries, les ambulants des marchés, les stands des halles de Merville, et certaines grandes et moyennes surfaces. Merlu, sole, lieu jaune, maquereau et langoustine… « Tous les produits sont concernés, c’est la richesse du port de Lorient : il n’y a pas qu’une seule espèce proposée mais plus d’une centaine chaque jour ! »
Toute la flottille de pêche, côtière et hauturière, est active − chalutiers, caseyeurs, fileyeurs − et peut ainsi proposer une grande variété de produits frais et de saison. Et la demande reste présente : les quelque 160 à 200 acheteurs de la criée de Lorient viennent à 80 % de Bretagne. « Il nous manque cependant les marchés qui n’ont pas tous repris un rythme normal, pointe Dominique Ciaravola. À Lorient, ils ont eu l’intelligence d’étendre la surface du marché pour garder le même nombre de commerces, mais ailleurs, ce sont les producteurs locaux qui sont privilégiés sur les marchés. Or, les poissonniers ne sont pas considérés comme des producteurs locaux !