Elémen’Terre est un projet original : à la fois navigation, exploration, avec des invités, des discussions et même un documentaire... Quelle est sa finalité ?
Marie Tabarly : C’est un projet tentaculaire, qui ne rentre dans aucune case, comme moi. Mais finalement assez simple : une résidence itinérante autour du monde, un lieu d’échanges et de transmission pour l’élaboration d’un mieux être commun. Chaque escale sera unique, avec des personnalités différentes pour évoquer tous les sujets : artistes, sportifs, chefs d’entreprise, philosophes, journalistes... Ce sont les bases du développement durable : construire quelque chose de cohérent en prenant en compte toutes les facettes. On ne va pas changer le monde, mais plein de petites actions peuvent faire émerger des solutions
Comment est née l’idée de ce projet atypique ?
C’est la conjonction d’événements et d’envies qui l’ont fait émerger. J’avais cette idée depuis très longtemps, l’envie de partager Pen Duick VI. Ce bateau est un gros héritage : qu’en faire ? Que faire aussi de mon nom ? J’ai toujours invité des amis à bord. Pen Duick VI est pour moi un lieu de rencontres de tous horizons. Par ailleurs, je suis comportementaliste équin, j’adore les chevaux. Mais j’ai eu envie d’aller plus loin. Quand je vois ce qui peut se passer entre l’homme et le cheval, grâce à l’écoute des besoins de l'animal, je me dis que l’on peut aussi faire changer les comportements humains. Le faire à la puissance mille, avec un bateau au lieu d’un cheval... L’idée s’est imposée d’elle-même. Je devais repartir.
Partir avec Pen Duick VI , c’est un choix de cœur ? Car techniquement, ce n’est pas le plus adapté pour cette mission en haute mer...
Je ne me suis pas posé la question. Je n’aurais pas pu faire ce projet sans Pen Duick VI , je suis amoureuse de ce bateau, il est comme un membre de la famille. Je le connais bien, j’ai beaucoup navigué dessus, toute mon enfance. Il a fallu faire quelques travaux, pour lui permettre de stocker de l’eau, des systèmes de chauffage et de refroidissement, un nouveau moteur... Il pèse 33 tonnes, mesure 22 mètres : c'est un char d'assaut ! Il a été conçu pour la course, et c'est vrai qu'il est difficile à manoeuvrer.
Qui vous acompagne sur cette expédition pour manoeuvre le bateau ?
Nous sommes 14 personnes, dont cinq marins professionnels. Le reste est constitué d’un équipage hétéroclite : cinq artistes funambules en résidence à bord, des montagnards, un musicien, des photographes, un architecte, un biologiste... Ils ne connaissent rien à la voile et vont découvrir et se former à bord. Ce sont toutes de belles personnes, très motivées et physiquement préparées. Tous connaissent les risques et les dangers de la nature.
Et vous, comment vous êtes-vous préparée à quitter vos chevaux et à tenter ce grand voyage ?
Je suis très sportive et j’ai suivi une préparation physique. Je fais de l’escalade, trois fois par semaine, et de l’apnée, une à deux fois. J’ai aussi une routine d’étirement, de yoga, de postures, j’ai fait de la sophrologie... Et puis du parapente, de la slackline (une discipline proche du funambulisme), du kite et la montagne selon les années. Mais c’est vrai que je ne suis pas au niveau où j’aurais voulu être ! Car depuis un an, j’ai passé beaucoup de temps devant mon clavier d’ordinateur pour monter ce projet.
Vous embarquez des personnalités de tous horizons lors des escales : Yann Tiersen, Jacques Gamblin, Titouan Lamazou, Franck Cammas, Aurore Asso (apnéiste), Sylvain Tesson...
Comment avez-vous recruté ces ambassadeurs ? Je les ai choisis comme des évidences philosophiques, d’autres se sont manifestés, comme Franck Cammas. Je ne l’aurais pas espéré : et s’il veut aller vite tout le temps, ça risque d’être drôle ! Ce sont des personnes avec lesquelles j’ai envie de voyager, d’écouter et d’échanger. Par exemple, Jacques Gamblin s’exprime rarement, mais chaque fois que je l’entends parler, j’ai envie de passer du temps avec lui. J’ai compris qu’on est à six connexions de n’importe qui dans le monde : alors je les ai traqués ! Et ceux qui sont séduits par l’idée se laissent faire.
Vous êtes partie le 3 juillet de Lorient pour le Groenland où vous rejoindront le peintre Jacques Godin et Franck Cammas. Comment avez-vous imaginé cette première étape ?
On compte environ 20 jours de navigation. On va arriver au Groenland avec des funambules et un musicien ! Sur place, nos ambassadeurs vont embarquer pour trois semaines et nous avons prévu un sujet à aborder : l’adaptation de la population au réchauffement climatique. Ensuite, en Islande, on évoquera le première femme élue présidente. Mais on ne peut pas savoir ce qu’il va se passer entre les ambassadeurs et même avec nous ! Par exemple, Yann Tiersen veut enregistrer un album à bord en y intégrant les sons des fonds marins... On laisse beaucoup de liberté à nos invités, c’est là l’intérêt de ce projet.
Pour en savoir plus : www.elementerre.earth
Une série documentaire sera tournée tout au long du voyage, pour raconter la vie en mer et à terre. Des vidéos seront aussi visibles régulièrement sur le site et les réseaux sociaux.