C’était une journée d’avril chaude et claire. Les horloges virtuelles sonnaient treize heures. Loïc, le menton rentré dans le cou, s’efforçait d’éviter le vent sec. Il passa rapidement la porte vitrée de son immeuble du centre-ville, pas assez rapidement cependant pour empêcher que s’engouffre en même temps que lui un tourbillon d’air chaud. Lorient affichait encore 28°. Depuis près de 10 ans, l’été commençait chaque année un peu plus tôt. Les effets du réchauffement climatique s’étaient fait sentir dès le début du siècle. Chaleur précoce au printemps, canicule ou orages violents en été, tempêtes qui grignotaient le littoral et végétation méditerranéenne dans les parcs. Sur le toit des bâtiments, les jardins partagés donnaient déjà des fraises, des haricots et des melons. Avec le contrôle des consommations énergétiques et de la vie courante, le phénomène de réchauffement s'avérait désormais maîtrisé, à défaut d’être réversible. Toute la population s’était vite adaptée afin d’atteindre 1 tonne de CO2 émis par an et par personne, soit quatre fois moins de gaz à effet de serre que trente ans auparavant.
Son épouse, Katell, conductrice de chantier dans le bâtiment, intervenait sur la construction d’un nouvel écoquartier dans l’une des communes du nord de l’Agglomération de Lorient : habitations collectives à énergie positive sur pilotis, jardins maritimes partagés, espaces et équipements communs, terrasses ombragées et solarium à variation pour chaque logement. De manière générale, les bioénergies étaient devenues la première source d'énergies : bois issus de sous-produits de l'industrie, biogaz issus des résidus de cultures, des déjections d'élevages, des bio-déchets par méthanisation. Concernant l'électricité, la consommation énergétique était couverte à 100 % par des énergies renouvelables, grâce aux éoliennes et aux panneaux photovoltaïques, devenus monnaie courante dans les jardins et sur le toit des maisons.
Une électricité 100 % renouvelable
Le plus de cet écoquartier : un accès rapide aux voitures électriques en auto partage privé afin de rejoindre les centres d’activités. Pour ceux qui préféraient le grand air, la copropriété prévoyait également des vélos à assistance électrique solaire partagés. Les voitures individuelles étaient moins nombreuses et en milieu rural, les habitants utilisaient les transports en commun à la demande (téléphone, web). Comme cela était devenu la règle, ce nouveau quartier était zéro déchet : depuis que le plastique avait été interdit, les déchets étaient nettement moins nombreux et plus facilement valorisables, en particulier les déchets verts transformés en compost qui alimentaient les nombreux jardins. Même en mer, la lutte contre la pollution avait été efficace : la fin des moteurs à essence, des peintures chimiques et des matériaux jetables avait aidé au nettoyage et au renouvellement des océans.
Loïc gravit les 10 étages de son immeuble grâce à un ascenseur à énergie solaire. Il avait quitté son travail d’ingénieur agricole à la pause déjeuner. L’exploitation locale, une ferme péri-urbaine comme il en existait des dizaines dans les villes, produisait des fruits et des légumes de saison en permaculture et nourrissait une partie du quartier. Loïc testait et reproduisait les techniques de culture dans les jardins partagés de son immeuble : chaque habitant pouvait ainsi s’abonner aux récoltes généreuses de Loïc. Ensoleillement favorable, récupération de l’ea de pluie, plantations de pleine terre : l’installation offrait autant à la vue qu’au goût ses mille couleurs et parfums. Les habitants avaient même pris l’habitude d’aider à l’entretien et de partager leurs bonnes recettes via le réseau social interne de l’immeuble.
Dans son duplex, Loïc vivait avec sa femme Katell, ses deux enfants, et maintenant sa mère. C’était devenu l’usage : la cohabitation entre générations s’était naturellement imposée avec le vieillissement de la population. Un partage du logis qui s’avérait avantageux : transmission de la mémoire familiale, entraide, lutte contre la solitude, solidarité... Morgan, la mère de Loïc, s’occupait volontiers des enfants et aimait préparer des repas traditionnels avec peu de viande. Elle ne rechignait pas non plus à aller au cinéma en 3D ou sortir dans les bars seniors du centre-ville avec ses copines.
De leur côté, leurs enfants Charlotte et Noah, en CE2 et en sixième, rentrèrent comme d’habitude en bus électrique qui les déposait chaque jour près de chez eux, en zone piétonne. Là, ils retrouvèrent leurs amis du quartier pour rejoindre ’espace de jeux paysagé au pied de l’immeuble, puis travailler ensemble à la médiathèque toute proche, ouverte jusqu’à 20h. Les enfants restaient joignables grâce à leur bracelet connecté. Les parents avaient ainsi accès à leur localisation et même à leurs principales constantes (température, tension, rythme cardiaque) en cas de besoin. Une sécurité rassurante et qui garantissait une prise en charge plus rapide par les médecins.
Sources :
« Scénario NégaWatt 2017-2050 : réussir la transition énergétique en France », association NégaWatt.
Etude « Visions énergie climat 2030/2050 : quels modes de vie pour demain ? », Ademe.
Etude « projection de population pour la France métropolitaine à l’horizon 2050 », Insee.