Par tous les temps et depuis près de deux cents ans, il protège et structure le port de la Pointe à Port-Louis. Le môle, cet ouvrage de pierre jeté contre la mer et les vagues, a bénéficié de travaux d’envergure pour vivre une deuxième jeunesse.
« Ce môle date d’environ 1830, rappelle Benjamin Tullier, directeur des infrastructures à Lorient Agglomération. Il a servi à créer le port d’échouage dans l’anse du Driasker. Il a été élargi par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce n’est que dans les années 1990 et 2000 que le port à flots a été créé. » Le môle de Port-Louis aura donc vu naviguer les bateaux de pêche, les navires à vapeur, le bac qui reliait Port-Louis à Larmor et maintenant le transrade et les plaisanciers. Véritable témoin de l’histoire de la rade, il s’inscrit dans le riche patrimoine de Port-Louis et se devait d’être rénové.
Fermé aux piétons depuis 2014, le môle se dégradait avec « un risque de ruine immédiat ». « Il était important pour nous de savoir comment l'ouvrage avait été construit afin d’analyser les causes de sa dégradation et de concevoir des solutions de confortement sur mesure », poursuit Benjamin Tullier. Entre 2014 et 2018, les études et les expertises ont livré quelques secrets. « En comparant les ouvrages similaires et les techniques de l’époque, nous avons compris que le môle est posé sur une couche de sédiments, car la roche granitique est trop profonde dans le port. Il repose sur des pieux en bois fichés dans le sol et consolidés par un tapis d’enrochement. Mais avec le temps, la décomposition des pieux a fait bouger l’ouvrage qui s’est légèrement ouvert. L’eau s’y est engouffrée, chassant progressivement le remblais entre les gros blocs de pierre. »
Le chantier d’envergure, autant technique qu’historique, a débuté fin octobre 2020 afin de conforter le môle et de le restituer aux piétons. Plusieurs phases et l’intervention de différents spécialistes ont été nécessaires : d’abord la réalisation de micropieux métalliques enfoncés dans la roche profonde jusqu’à 13 mètres, puis la création d’une enveloppe en béton autour des pieux, et enfin un habillage avec les pierres de parement d’origine.
Les vides dans le môle ont été comblés par des injections de ciment : près de 200 forages jusqu’à 6 mètres de profondeurs ont été réalisés avec une pompe à coulis.
« C’est un travail très sensible et précis : il a fallu mesurer la réaction du môle et du terrain au cours du chantier. » Comme pour tout ouvrage immergé, les équipes ont dû s’adapter aux horaires des marées et à la météo, certaines ont dû plonger ou utiliser des engins nautiques... « Et nous nous sommes attachés à respecter l’aspect originel du môle, conformément aux recommandations de l’architecte des Bâtiments de France. » Les pierres de parement ont ainsi toutes été marquées et numérotées pour retrouver l’exacte place qu’elles occupaient à l’extrémité du môle. Aujourd’hui, l'ouvrage rénové peut à nouveau accueillir les flâneurs et les pêcheurs venus saluer le ballet des bateaux du port.
« Tous les ouvrages sont surveillés »
« Lorient Agglomération dispose de 183 ouvrages maritimes et portuaires répartis dans six ports, explique Charlotte Le Maguer, chargée de la gestion patrimoniale des infrastructures portuaires pour Lorient Agglomération. Ces ouvrages, plus ou moins complexes et anciens, assurent différents rôles : protection (digues, môles), franchissement (portes d’écluses, ponts mobiles), accostage (quais) ... Ils sont soumis à un environnement particulier avec une forte exposition à l’influence des marées, à la corrosion, aux chocs (accostage, amarrage). En tant que gestionnaires d’infrastructures portuaires, l’Agglomération définit, le programme et assure l’entretien de ces ouvrages. En plus d’une surveillance quotidienne, une inspection détaillée est réalisée tous les trois ans ou après des événements imprévus comme des tempêtes.
S’ils sont tous surveillés, certains le sont plus particulièrement car d’une importance stratégique : les brise clapots de Lorient La Base qui tranquillisent le plan d’eau, le môle de Gâvres qui protège des courants de la petite mer... D’autres ouvrages sont constamment immergés et nécessitent des interventions spécifiques : inspections subaquatiques, voire imagerie de type suivi bathymétrique ou modélisation 3D quand la visibilité est trop réduite ou l’accès compliqué. »