Le hasard, qui fait souvent bien les choses, a servi de compas à Yvon Fauconnier pour harmoniser sa vie à sa destinée : le navigateur breton reconnu avoue, en effet, n'avoir jamais forcé un destin fait de rencontres, les unes s’enchaînant aux autres, dans un flot d’aventures aussi incroyables qu’extraordinaires.
C’est à la découverte d’une maison au bord de la mer de Gâvres, au bourg de Riantec, le territoire le plus maritime du Pays de Lorient quand Gâvres, Locmiquélic, Locmalo relevaient de la grande paroisse de Sainte-Radegonde, dont l’église abritait du vent les dizaines de chaloupes mouillées dans la petite mer, qu’il doit d’y avoir déposé son sac de marin remis à bord à chaque occasion de cingler vers des rivages du bout du monde.
Le Pays de Lorient n’est pas étranger à ce marin corps et âme dont l’histoire pourrait être rap- prochée de celle d’un Lorientais né pendant la guerre sur les rives du Blavet après que ses parents ont fui la ville bombardée. C’est depuis Saint-Nazaire, subissant le même sort, où son père est ingénieur aux chantiers, que ses parents se réfugient à Thouaré-sur-Loire où Yvon voit le jour en 1943. La guerre finie, dès le retour sur la Côte d’Amour, c’est sur le port du Pouliguen, la plage de La Baule, que notre Yvon, qui a hérité du plus emblématique des prénoms bretons, passe le plus clair de son temps, digne gamin au sang salé qui coule depuis la nuit des temps dans les veines de tous ceux qui ont la mer au cœur. Il s’initie à la voile avec son père, sa mère, les copains du coin, préférant de loin l’écume des vagues à l’amertume des études.
Après deux échecs au bac, me confie-t-il non sans une certaine fierté, le voilà pilotin sur un pétrolier et, donc inscrit maritime provisoire, appelé à faire son “sapin“ dans la Royale, entre autres à Lorient pour quelque temps. La quille venue, il retourne aux seules amours dignes de son transport, la folle passion de la voile pour ce vent de la mer qui tourmente, comme le dit la chanson des Trois marins de Groix.
Embauché aux chantiers Vanek à La Trinité, il rencontre Michel Dufour qui le débauche pour son chantier naval de La Rochelle où naît l’emblématique Arpège, voilier mythique des années 60-70, avec lequel il emmène son épouse Dany Camenen, rencontrée à La Rochelle, à l’île de Groix voir une sœur de sa mère, Germaine Le Dref, pure groisillonne. Celle-ci a quitté son île natale à 12 ans pour aller travailler à La Rochelle où elle a connu son mari, Joseph Amenen, marin du Pô en Car- nac qui deviendra l’un des plus grands patrons de chalutiers du port charentais. Une carrière racontée dans Regards sur une vie de marin-pêcheur que Paul Guimard dans sa préface présente comme un livre exemplaire.
Il a passé les trois caps
Les paroles de la chanson de Renaud collent à la peau salée d’Yvon Fauconnier que la mer a su prendre. Elle ne l’a jamais lâché. Il est de l’épopée du Ven- dredi 13 de Jean Yves Terlain, avec Danny qui a coécrit cette légende dans un ouvrage. En écoutant Yvon, défile le grand film de l’épopée de la voile du dernier quart du siècle passé, avec ses courses, ses exploits, ses acci- dents, ses amitiés, ses rivalités, l’Ostar 84, quand il détourna son Umipro-Jardin pour porter secours à Jeantot, ce qui lui permis, bien qu’arrivé à la 5e place d’être crédité des 16 heures de retard et de remporter la course, déclassant le vainqueur déclaré Poupon.
Yvon, qui a passé sa vie sur l’eau et a manqué de l’y perdre (comme dans la Transat anglaise de 76), qui a passé les 3 caps et a donc droit de cracher au vent, est heureux de vivre aujourd’hui dans le calme du Bourg de Riantec, près de sa fille qui a appris à lire et à écrire sur Vendredi 13 , devenue elle-même navigatrice expérimentée, installée à Locmiquélic qu’elle a choisi pour être plus près de la Base. C’est elle qui a proposé cette maison de capitaine riantécois à son père qui se trouvait alors en Thaïlande. Ni une ni deux, il a pris l’avion, visité le logis et signé dans le quart d’heure le compromis de vente. C’est souvent ainsi chez les marins d’expérience. Les décisions, on les prend. Point barre. Ensuite tenir le cap. Et le cap, Yvon, il connaît, lui infatigable bourlingueur qui depuis huit ans goûte le charme d’un bon vieux corps-mort au pays des culs-salés.