Discours de voeux de Norbert Métairie, Président de Lorient Agglomération
Vendredi 24 janvier 2020 – Palais des Congrès
Seul le prononcé fait foi
Bonsoir à tous,
Cette année 2020 commence comme la précédente s’est achevée, marquée par un climat tendu.
Il est difficile d’aborder sereinement la période, alors qu’est apparue au grand jour une triple fracture sociale, territoriale et démocratique.
Ce qui se joue, c’est la pérennité de notre contrat social, dans un contexte où les corps intermédiaires peinent à jouer leur rôle pourtant essentiel de régulateurs du dialogue social.
Pour autant, avons-nous ici, sur notre territoire, des raisons d’espérer ?
J’en suis convaincu, et je vais tenter de vous faire partager mon optimisme assumé !
Considérons les faits et regardons ce qu’est notre territoire aujourd’hui.
Objectivement, il se porte plutôt bien.
3ème agglomération de Bretagne, forte de 210 000 habitants, notre intercommunalité est attractive et ses fondamentaux sont bons.
La dynamique démographique est positive et constante, et considérant qu’elle n’est le fait depuis plusieurs années que de l’attractivité résidentielle, c’est le signe que nos atouts – dynamisme économique, cadre de vie, prix abordable des logements, qualité et diversité des services – sont ressentis comme tels par les nouveaux arrivants et participent à leur choix de s’installer ici.
Sur la zone d’emploi, les indicateurs là encore évoluent positivement :
- Un taux de chômage à 7,6 % sur la zone d’emploi de Lorient, qui a significativement baissé depuis 2015 et qui atteint son plus bas niveau depuis 10 ans,
- la création nette de 3 400 emplois sur ces 4 dernières années,
- un nombre de contrats en CDI en très forte augmentation – ce qui témoigne d’une confiance des entreprises locales en l’avenir,
- et une reprise qui a profité à la plupart des secteurs d’activité…
Nos filières-socles sont dynamiques, même si des incertitudes demeurent – je pense évidemment à la pêche, en espérant que son horizon s’éclaircisse rapidement et surtout positivement.
Nous jouissons d’un cadre de vie préservé, d’un patrimoine naturel et culturel d’une richesse incontestable, qui font aussi cette part de fierté ressentie par chacun d’entre nous à vivre et travailler ici.
Alors même si tout n’est pas parfait et que cette période de mutations fortes est tout de même assez heurtée, accordons-nous cette respiration en accueillant simplement ces quelques motifs d’optimisme.
Je pourrais poursuivre en rappelant ce que l’intercommunalité a réalisé en 2019 – une année de travail particulièrement intense – et vous livrer les grandes orientations de 2020.
Vous comprendrez que je ne le fasse pas, tant parce que la période ne s’y prête pas, que par respect pour les futurs élus, qui auront à conduire pour les 6 années à venir la destinée de notre agglomération, et à qui reviendra la responsabilité d’établir le futur projet de territoire.
J’ai tout de même envie de partager avec vous un certain nombre de considérations ou de convictions, qui se sont forgées tout au long de ces seize années de présidence de Lorient Agglomération.
La première, c’est que l’action publique doit continuer à se construire sur le temps long.
Il y a ici une contradiction majeure avec la période que nous connaissons aujourd’hui, marquée par la dictature de l’immédiat, comme si le temps qui passe ne pouvait être que du temps perdu.
L’action publique doit prendre le temps nécessaire à l’examen, à l’analyse, à l’échange. L’immédiateté est le temps de l’expression des besoins individuels, pas celui de la recherche de l’intérêt général, éminemment plus complexe à satisfaire.
En disant cela, je ne fais pas l’éloge de la lenteur mais j’invite les futurs élus à ne pas céder aux injonctions de l’instant car on ne conduit pas d’action durable qui n’ait de bases solides, ce qui prend du temps.
Au cours de la période, j’ai parfois entendu des propos peu amènes sur l’Agglomération : trop lourde, trop lente, trop « techno » (comme si la compétence était un travers), déconnectée des réalités du terrain… J’en passe.
Mais n’est-ce pas tout simplement l’exercice de l’action publique qui est devenu plus complexe ? Les sujets demandent aujourd’hui de concilier de multiples enjeux – financiers, économiques, sociaux, environnementaux, juridiques -, ce qui s’apparente parfois à la quadrature du cercle.
Les difficultés, par exemple, à produire des zones d’activités économiques ou à conforter nos centralités, illustrent bien la complexité à faire converger des intérêts franchement antagonistes…
Et je ne parle pas de l’addition permanente des normes et des règlements qui viennent également contraindre l’élaboration et la conduite des politiques publiques…
Dans ce monde toujours plus complexe, il faut donc prendre le temps : c’est l’essence-même d’une politique publique que de s’inscrire dans la durée.
Au final, c’est même gagner du temps…
Ma deuxième conviction, c’est qu’il faudra dans les prochaines années conforter - ou tout du moins encourager - deux mouvements de fond.
A commencer par le fait intercommunal.
Comment peut-on encore douter de sa pertinence ?
Comment pouvoir justifier qu’un certain nombre de politiques conduites au niveau local ne nécessitent pas de l’être à cette échelle ? En matière d’habitat, d’économie, de mobilités, de déchets, d’énergie, de stratégies à partager…
Douter de cela, c’est nier la réalité des attentes et des pratiques des acteurs locaux et des habitants, qui se sont de longue date affranchis des frontières administratives : on réside quelque part mais on travaille, on entreprend, on fait nos achats, on consomme du loisir, dans un territoire bien plus vaste que celui de sa seule commune de résidence.
Mais l’intercommunalité n’est pas non plus la négation de la commune, comme on voudrait parfois le faire croire ; il faut au contraire affirmer la pertinence de ces deux niveaux de proximité car ils ont chacun une réelle légitimité et une complémentarité évidente.
Si une politique redistributive au profit des communes ne saurait constituer un projet intercommunal, l’agglomération doit en revanche prendre toute sa part dans leur développement.
Elle l’a fait – et c’est une bonne chose -, en soutenant des projets communaux lorsqu’ils avaient un caractère objectivement structurant pour le territoire ou qu’ils revêtaient une dimension supracommunale.
L’accompagnement au développement numérique des communes ou la mutualisation des services en sont aussi de beaux exemples.
Mais plus largement, elle le fait au quotidien, au travers de ses grandes politiques publiques.
Regardons ce qu’elle apporte, partout et de manière inconditionnelle : du transport, des réseaux d’eau et d’assainissement, une collecte de déchets performante, une politique de l’habitat incitative, des zones d’activités économiques, et une stratégie environnementale qui irrigue l’ensemble de ses politiques sur tout le territoire…
Son action péréquatrice est la garantie d’une solidarité et d’une cohésion territoriales qui ne s’exerceraient pas sans elle.
Voilà ce que doit être l’agglomération : une communauté de destins et le véhicule d’un projet de territoire qui transcende les stricts intérêts communaux.
L’intercommunalité est une institution récente, qui n’a probablement pas encore atteint sa maturité. Je pense notamment au mode de désignation des élus communautaires qui, s’il s’est un peu amélioré en 2014, reste largement perfectible.
En tous les cas, je crois viscéralement à la pertinence de ce niveau institutionnel, dès lors qu’il prend comme postulat le respect des identités communales, et comme principe d’action celui de la subsidiarité, chaque entité agissant là où elle est la plus efficace, pour éviter cette impression de dessaisissement parfois ressentie par certains.
La confiance mutuelle sera, j’en suis sûr, la clé et le moteur du bloc communal, sur laquelle pourra se fonder le nouveau pacte communautaire.
Se posera donc inévitablement la question de la gouvernance de l’intercommunalité.
Dans les faits, j’ai toujours tenté de privilégier le consensus politique, dès lors qu’il servait une réelle ambition collective.
Si elle a apporté des améliorations dans la représentation politique des communes à l’agglomération, la loi de mai 2013 a dans le même temps complexifié la situation, ce qui n’a pas permis en 2014 de réunir les conditions d’une gouvernance partagée.
Je sais que certains maires l’ont mal ressenti, et j’ai partagé ce sentiment.
Nous avons donc fait en sorte de trouver d’autres voies de dialogue pour faire exister ce nécessaire consensus sans lequel aucun sujet majeur pour le territoire ne peut aboutir.
Néanmoins, cela reste insatisfaisant ; les temps changent et j’ai la conviction qu’une gouvernance plus ouverte demain – si c’est bien le souhait de tous – sera l’une des clés de la capacité du bloc communal à aller plus loin dans les coopérations.
Le deuxième mouvement qu’il faudra conforter, c’est celui des coopérations territoriales à l’échelle de notre bassin de vie.
Ne nions pas l’évidence : les territoires sont en concurrence, et ceux qui n’intègreront pas cet état de fait se priveront certainement de leviers de développement que d’autres territoires, plus clairvoyants, auront su mobiliser.
A l’heure du règne des métropoles, quelles perspectives pour les territoires d’équilibre tels que le nôtre ?
Comment peser régionalement et nationalement face à des territoires aux moyens et capacités d’action sensiblement supérieurs aux nôtres ?
Devons-nous attendre que le ruissellement vanté par les tenants du modèle métropolitain, produise d’éventuels effets – qui ne seraient dans le meilleur des cas que des effets de bord ?
Ou nous engageons-nous dans une approche plus offensive du sujet, en commençant par discuter avec les territoires voisins qui partagent eux-aussi les mêmes préoccupations, pour tenter ensemble de peser plus fortement dans le paysage institutionnel ?
Evidemment, c’est cette deuxième option qui retient mes faveurs. C’est une conviction profonde, mais qui a un préalable : la réciprocité.
C’est bien cette envie partagée de travailler ensemble qui est à l’origine du rapprochement entre notre territoire et celui de Quimperlé communauté.
Bien évidemment parce qu’il s’agit du même bassin de vie, cette réalité pour bon nombre de nos concitoyens justifiant à elle-seule la nécessité d’un rapprochement.
Mais aussi parce que la raison nous le dicte : nous avancerons plus vite ensemble que séparément, sur des sujets sur lesquels nos intérêts convergent, tout en fixant à cette collaboration des limites claires, permettant à chacun de conserver ses spécificités et son identité.
Le maître-mot, c’est bien la coopération, dans l’intérêt bien compris de tous.
Alors souhaitons que dans un futur proche, les 3 intercommunalités du Pays de Lorient partagent aussi ce constat et continuent à nouer ensemble, sans ambiguïtés et dans un cadre défini conjointement, des relations toujours plus étroites.
Territoires de projets donc, mais aussi projet de territoire : j’ai dit que je me garderai d’en évoquer les contours.
Mais je peux tout de même vous livrer quelques considérations.
D’abord, notre Etablissement public va bénéficier d’une situation financière parfaitement saine, qui lui offrira une réelle capacité d’action, et ce malgré un mandat marqué par un niveau de contrainte historique, lié à la baisse de nos dotations puis au dispositif de contractualisation.
Ces contraintes, nous pouvons les déplorer mais nous avons surtout dû les intégrer, en responsabilité, et cela sans remettre en cause la qualité des services rendus ni le niveau d’investissement que nous avons réalisé sur ce mandat – plus de 200 Me – pour préparer le futur de notre territoire.
Je suis convaincu que la contrainte à laquelle nous avons été soumis ne s’éteindra pas au prochain mandat. Son périmètre évoluera ou elle prendra peut-être une autre forme, mais elle continuera à peser sur nos capacités et appellera à des choix forts.
Demain, c’est la question du périmètre d’action de l’intercommunalité qui devra être réinterrogé, mais en gardant toujours à l’esprit les valeurs-socles du pacte communautaire : cohésion sociale et territoriale, et développement équilibré du territoire.
Dans ce contexte, prenons garde aux discours qui prospèrent dans la période, et qui consistent essentiellement en des promesses qui ne passeraient pas l’épreuve des faits.
La gestion d’une intercommunalité comme la nôtre, avec un budget de 370 Me constitué essentiellement d’argent public, doit être conduite avec responsabilité, et ne peut consister à promettre plus de dépenses, mais avec moins de recettes.
Un autre élément doit aussi être pris en considération lorsque l’on évoque le financement des services publics : ceux-ci doivent-ils être intégralement financés par le contribuable ou une partie doit-elle être assumée par l’usager ? Car, comme on dit, un repas gratuit n’existe pas, il y a toujours quelqu’un qui paie.
Cette question est fondamentale car elle interroge le lien-même de l’usager au service public, et plus largement le consentement du citoyen à l’impôt local.
Ajoutons à cela la réforme de la fiscalité locale qui interviendra cette année : la part de taxe d’habitation encore perçue par les intercommunalités disparaitra progressivement, s’y substituant en compensation une fraction de TVA.
Nous aurons donc demain, en face des services publics que nous rendons, deux catégories de citoyens : les propriétaires et les entrepreneurs, qui continueront de s’acquitter d’une partie de l’impôt local, et les autres, qui n’auront plus de lien fiscal avec notre institution et les services qu’elle rend.
J’y vois le risque d’une perte de sens, et l’affaiblissement de la primauté de l’intérêt général.
Le renouvellement démocratique à venir fera naître de nouveaux projets – sûrement -, de nouvelles priorités – peut-être – mais il y a dans l’action publique des fondamentaux à respecter.
Quels sont-ils ?
La transition écologique, véritable mutation évidemment, qui, on le sait, n’est plus une option mais une exigence. Les analyses sont sans appel.
Il y a urgence à un changement de modèle.
Mais les réponses à cette urgence ne peuvent être bâties sur des positions dogmatiques car toute transition doit être accompagnée.
Et je crois profondément en la capacité des territoires à imaginer et construire les solutions d’avenir avec l’ensemble des acteurs locaux…
Ce que nous réalisons déjà avec les habitants en encourageant les pratiques vertueuses, le tri, les mobilités actives ou collectives, la rénovation thermique des logements, les circuits courts alimentaires…, mais aussi avec les entreprises qui intègrent aujourd’hui pleinement dans leurs pratiques cette question de la responsabilité environnementale.
L’habitat et l’organisation de la mixité à l’échelle du territoire, avec la nécessité d’offrir des logements adaptés aux capacités financières de chacun mais aussi aux besoins et aux parcours de vie.
Les mobilités, et notamment celles du quotidien, car elles représentent un élément déterminant de la qualité de vie des habitants.
Sur ce sujet, beaucoup reste à faire mais tout ne relève pas de l’Agglomération. Il faudra construire avec l’Etat, la Région, le Département, la SNCF, les communes, les employeurs, une offre intégrée qui permette de répondre à la diversité des besoins.
Le développement économique, à commencer par une politique foncière qui fait de la sobriété son mantra. S’il ne représente que 20 % des surfaces consommées, le foncier économique doit lui aussi participer à l’effort de limitation de l’artificialisation des sols.
Nous avons pris ce pli depuis de longues années maintenant, avec des objectifs de consommation foncière qui ont été drastiquement réduits.
Nous avons mis en place une cellule foncière, initié une démarche de densification de nos zones d’activité, en agissant notamment sur les friches.
Cet effort devra se poursuivre, mais l’accueil d’entreprises est une nécessité pour le développement du territoire. Il nous faudra donc, dans cette matière, poursuivre dans cette voie du juste milieu.
L’aménagement du territoire : nous avons un Schéma de cohérence territoriale qui nous permet de construire une stratégie d’organisation de l’espace à l’échelle du bassin de vie, mais il sera probablement nécessaire, demain, de pouvoir aussi disposer d’outils d’urbanisme plus opérationnels.
Cela ne pourra se faire que main dans la main avec les communes, afin que les maires continuent à jouer pleinement leur rôle d’aménageur communal, tout en ayant une approche territoriale de ces questions.
Pour terminer, je tiens à remercier chaleureusement l’ensemble des maires, des vice-présidents, des conseillers communautaires et des élus communaux avec qui j’ai eu plaisir à travailler durant ce mandat et les précédents, qui ne furent pas toujours un long fleuve tranquille.
Mais je préfèrerai toujours la vitalité des débats à l’atonie démocratique. Nos échanges se sont toujours inscrits dans le respect des personnes et des points de vue, ce qui est un gage de maturité pour notre fonctionnement démocratique local.
Les élus ont toujours fait la preuve de leur engagement quotidien et sincère au service de notre territoire et de ses habitants.
C’est cela qui fait la beauté de l’engagement public, malheureusement trop souvent caricaturé ces dernières années. Car être élu local est une vraie fierté mais c’est aussi une charge, pas toujours simple à porter.
Mes remerciements s’adressent également aux services communautaires et à ceux de nos satellites, compétents et impliqués ; nos partenaires institutionnels pour leur soutien technique et financier, ceux du monde économique, les services de la Défense, notre office de tourisme, notre université de Bretagne Sud, Lorient Grand Large et l’ensemble du monde associatif qui participe au quotidien à la vitalité de nos communes et de notre territoire.
Je souhaite à chacun d’entre vous, en mon nom et en celui de l’ensemble des élus communautaires, une belle année 2020, et à Lorient Agglomération, je souhaite - comme on dit ici - « bon vent et bonne mer » !
Blezad mat d’an holl !